ISO 9001 version 2015 : Vers la fin des responsables qualité ?

Le final draft de la nouvelle version de la norme ISO 9001 de management est paru et avec lui son lot habituel de questions. L’une d’entre elle alimente les discutions des responsables qualité : « Est-ce la fin de notre métier ? »

Sans dévoiler tout de suite un suspense qui n’en est pas un, la version 2015 de la norme est plutôt une formidable opportunité pour les entreprises certifiées et donc pour les responsables qualité à condition de savoir évoluer.

Le responsable qualité dans l’ISO 9001 version 2008.

Dans les versions précédentes de la norme, la direction avait entre autres exigences celle de  « nommer un membre de l’encadrement de l’organisme » qui avait en charge toute la gestion opérationnelle de la qualité et de lui rendre compte de l’efficacité et de l’amélioration du système qualité.

Ainsi les obligations de la direction étaient au nombre de 5 points déclinés sur quelques paragraphes :

  • Communiquer au sein de l’organisme l’importance à satisfaire les exigences des clients ainsi que les exigences réglementaires et légales.
  • Etablir une politique qualité.
  • Assurer que des objectifs qualité sont établis.
  • Mener des revues de directions
  • Assurer la disponibilité des ressources.

Toutes les autres activités quotidiennes d’un dirigeant d’entreprise n’étaient que peu ou pas abordées dans l’ISO 9001 (assurer la pérennité de son entreprise, analyser le contexte extérieur, les enjeux majeurs, les risques autres que qualité liés à l’activité, et notamment le côté financier).

Dans certaines sociétés, le système qualité, géré par le responsable qualité, se trouvait totalement déconnecté de la direction de l’entreprise et de la prise de décision.

Les évolutions de l’ISO 9001 v.2015 :

Sans entrer dans le détail de toutes les évolutions de la version 2015 (ce qui fera l’objet d’un article complet à la sortie de la norme en septembre 2015), l’ISO 9001 évolue dans le sens de l’intégration des systèmes qualité au sein du management et de la stratégie des entreprises.

L’évolution de cette série de norme pourrait se schématiser de la façon suivante :

La norme commence maintenant par une analyse du contexte de l’entreprise, des enjeux internes et externes, des attentes des parties intéressées. Si cela peut paraitre évident, ce n’était pas formalisé, et donc pas à formaliser, dans les versions précédentes.

Mais concernant le sujet qui nous intéresse, le plus intéressant sur trouve au chapitre 5 : responsabilité de la direction. Ce chapitre comporte maintenant 17 obligations directement liées à la direction qui, si elle ne doit plus nommer un membre de l’encadrement pour suivre le système qualité, se voie reporter de nombreuses responsabilités en matière de qualité. Ainsi, il ne s’agit plus seulement pour la direction de vérifier par le biais du responsable qualité que tout fonctionne bien, mais de « démontrer son engagement » en matière de qualité.

Sensibiliser à l’approche processus, inciter à l’amélioration continue, communiquer sur la qualité et de nombreux autres points sont donc maintenant directement liés à la fonction de direction.

Sans entrer dans le détail de mise en place de ces actions, il est évident que les directeurs de grandes entreprises ne vont pas se mettre à rédiger un manuel qualité (d’ailleurs plus obligatoire), à réaliser les sensibilisations qualité des nouveaux embauchés ou à dessiner une cartographie des processus. A priori il reste assez de travail pour occuper pleinement une fonction qualité.

Oui j’ai bien dit une « fonction qualité » et non un responsable qualité car c’est ici que peut intervenir le changement tant redouté. Si l’on simplifie, l’entreprise peut selon son historique et sa culture se retrouver dans l’un des quatre cas de figure suivant :

  • La direction assume toutes les responsabilités qui lui incombent dans la norme et a une communication forte et proactive sur la qualité. Les responsables de processus assurent le fonctionnement opérationnel dans leur périmètre et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes sans qu’un responsable qualité improductif n’ait à graisser les rouages de cette machine bien huilée. Si ce cas de figure est celui visé idéalement dans la norme, il relève à mon sens de l’utopie (en tous cas en France ou très peu d’entreprises en sont à ce stade de maturité pour leur système qualité).
  • La direction continue d’agir en dehors du système qualité qui vit sa vie de son côté. Avant les audits de certification, une répétition et quelques « adaptations » du système par le responsable qualité permettront peut-être de tromper l’auditeur encore peu expérimenté sur la version 2015. Notez que le responsable qualité garde ici toute son utilité. Mais ceci n’est valorisant ni pour le malheureux responsable qualité, ni pour l’entreprise qui se prive d’une opportunité d’évolution importante en liant durablement la stratégie de l’entreprise et le système qualité. Et puis il y a fort à parier que les auditeurs qualité dont je fais partie vont progresser sur le domaine et ne se laisseront pas abuser trop longtemps.
  • La direction assume toutes les responsabilités qui lui incombent dans la norme avec l’aide d’une fonction qualité qui démultiplie ses démarches dans l’entreprise. Ainsi les responsabilités sont prises par la direction et un assistant peu ou pas impliqué dans les discisions se charge de la mise en application. S’il s’agit uniquement de cela, peut-on encore parler de responsable qualité au sens actuel du terme ? Je n’en suis pas sûr, à moins que l’assistant en question se montre intelligent, conseille habillement la direction sur l’ensemble des sujets concernés (qui je vous le rappelle intègrent maintenant la stratégie de l’entreprise, les enjeux, les risques, ect…) et ouvre la voie du quatrième cas de figure ci-dessous.
  • Le quatrième cas de figure est très intéressant. La direction est consciente de la formidable évolution possible mais n’a pas forcement l’expertise complète pour assumer le système qualité. Elle s’appuie donc de plus en plus sur le responsable qualité du paragraphe précédent. Vous savez celui qui est plutôt intelligent et qui au lieu de s’enfermer dans son système documentaire va travailler sur l’intégration des risques financiers, des risques pour l’image de l’entreprise, des enjeux à venir, bref des préoccupations quotidiennes de la direction. Et, à force d’échanges fournis et constructifs la direction, intelligente également, se dira que comme ce responsable qualité intervient sur des aspects stratégiques de l’entreprise, il serait peut-être bien de l’intégrer au comité de direction…

C’est ainsi que les entreprises françaises peuvent à mon sens rejoindre le premier cas de figure un peu trop utopique : en incorporant la fonction qualité au directoire ou au comité de direction qui devient par ailleurs un mode de management de plus en plus courant.

Donc plutôt qu’un responsable qualité en voie d’extinction, je crois plutôt que la version 2015 de l’ISO 9001 est une formidable opportunité pour les entreprises intelligentes qui sauront évoluer, mais aussi bien sûr pour les bons responsables qualités qui accompagneront cette évolution.

Mais attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, et que la norme dit encore moins : Cher responsables qualité, n’allez pas voir votre direction en disant « pour passer en ISO 9001v2015 il faut me nommer au comité de direction ! ». Non, il faut que cette évolution deviennent logique de par le fonctionnement de l’entreprise et du système qualité qui trop liés l’un à l’autre ne font plus qu’un. Au fond, l’ISO 9001 à mis 28 ans  à en arriver là, mais n’est-ce pas le but ultime de tout responsable qualité ?

 

 

Cet article est aussi disponible sur le site du blog de l'entreprise.

Posted in Qualité.

2 Comments

  1. Bonjour.

    Je ne sais pas qui a rédigé cet article, mais il est très pertinent, notament au niveau des 4 cas de figure.

    Félicitations.

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